Page:Ardouin - Étude sur l’histoire d’Haïti, tome 5.djvu/357

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dans le but de donner une direction à ces chefs de bandes qui obéissaient comme lui à Lamour Dérance. En sa qualité de militaire, il reconnut qu’il fallait organiser des troupes et les discipliner pour faire la guerre : ce à quoi ne songeaient pas les autres chefs de bandes qui, du reste, étaient placés sous l’influence des idées étroites de Lamour Dérance ; celui-ci espérait lui-même plus d’efficacité dans les fétiches dont se servaient ses sorciers africains.

Pendant une absence momentanée de Beauséjour, premier chef des insurgés de la plaine de Léogane, Cangé donna un grand repas où il prodigua le bœuf, le mouton, le porc rôtis, les vivres du pays, et surtout le tafia ; tous les insurgés y furent conviés, et les danses créoles et africaines vinrent ajouter aux plaisirs de la table.

Cangé avait son plan : il laissa son monde s’amuser et s’enivrer ; alors il fit sonner le lambi pour réunir autour de lui ces bandes déjà préparées à tout accepter de sa part. Se faisant orateur, il les harangua et leur dit : Que sans organisation militaire, sans tactique, elles feraient difficilement la guerre aux blancs. L’exemple des Français servait de terme de comparaison, et d’ailleurs, les insurgés étaient enchantés de leur hôte : ils applaudirent à ses judicieuses observations. Cangé nomma immédiatement Sanglaou et Mathieu Fourmi, colonels de deux demi-brigades qu’il forma, en leur laissant le choix des officiers : ce qui était aussi adroit que juste, car ces deux chefs de bandes devaient avoir leurs créatures à satisfaire. Il forma aussi un corps de cavalerie dont il confia le commandement à Pierre Louis. Des acclamations bruyantes couvrirent ces choix qui étaient agréables.

Mais ce n’était pas le seul but de Cangé : ce mulâtre