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tous massacrés, et Capois fît enlever toutes les munitions. Ce succès étant obtenu, il se retira avec ses troupes à Lavaud-Lapointe où Romain lui fit demander quelques milliers de poudre.

Concevant bientôt le projet le plus aventureux et le plus hardi en même temps, Capois ordonna à Vincent Louis, commandant au Petit-Saint-Louis, de construire des radeaux formés de planches attachées par des lianes, afin de traverser le canal de la Tortue pour se porter sur cette île. Dans la soirée du 18 février (29 pluviôse),[1] 150 hommes d’élite de la 9e, commandés par le capitaine Gardel, montèrent sur ces radeaux que remorquèrent deux embarcations. Vincent Louis arriva dans la même nuit à la Tortue : il y souleva les noirs, surprit la garnison française commandée par l’adjudant-général Boscus, enleva le fort de l’Hôpital, égorgea la plupart des malades et délivra des prisonniers indigènes, notamment le capitaine Placide Lebrun, et sa propre mère et son fils ; il va sans dire que l’incendie des établissemens éclaira ses succès. Mais Boscus, revenu de sa surprise, le repoussa dans l’intérieur de l’île et avisa le Cap de cet événement : des forces supérieures arrivèrent bientôt à son secours, et Vincent Louis et Gardel ne purent s’embarquer qu’avec quelques hommes pour se rendre au Petit-Saint-Louis. Les noirs de l’île subirent un terrible châtiment : néanmoins, dans le courant de mars ils se soulevèrent de nouveau et massacrèrent tous les malades qu’ils purent at-

  1. M. Madiou dit que ce fut le 6 janvier, d’après la Gazette officielle de Saint-Domingue publiée au Cap ; nous avons lu deux rapports sur ce fait extraordinaire, qui le placent dans la nuit du 29 au 30 pluviôse. Nous préférons cette dernière date, parce que la première le ferait coïncider avec l’expédition du général Clauzel contre le Port-de-Paix : ce qui nous paraît difficile à concilier.