Page:Ardouin - Étude sur l’histoire d’Haïti, tome 5.djvu/39

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à sa civilisation, c’est, sans contredit, un moyen de défense qu’on ne peut qualifier que de barbare, ainsi que nous l’avons déjà fait en parlant de l’ordre donné par Rigaud, après la prise de Jacmel. Nous l’en avons blâmé ; mais ici la situation était, ce nous semble, bien différente, Rigaud, se sentant vaincu, frappait ainsi ses propres partisans, les populations soumises à ses ordres ; on pouvait, on devait espérer que l’administration de T. Louverture, après son triomphe, eût été libérale envers les vaincus, et ils avaient tous deux une autorité supérieure de la quelle ils relevaient. Mais, après le régime établi dans la colonie par T. Louverture, régime qui, certes, avait l’assentiment du gouvernement français ; quand ce gouvernement y envoyait une flotte et une armée aussi considérables, en déclarant qu’il maintiendrait l’esclavage dans d’autres possessions de la France, il décelait ses intentions ultérieures, sinon actuelles, contre toute la population noire de Saint-Domingue. La ruine de cette colonie et des colons devenait donc une nécessité cruelle de la situation, un moyen suprême de résistance.


T. Louverture était effectivement à Santo-Domingo, quand il eut avis de l’apparition de la flotte au cap Samana. Son mémoire au Premier Consul réfute l’assertion de P. de Lacroix, qui prétend qu’il vint, à bride abattue, reconnaître cette flotte sur les lieux mêmes, en traversant ainsi, à cheval, la baie de Samana. Par conséquent, il n’a pas tenu le langage de désespoir que lui impute cet auteur, si souvent inexact : pour revenir dans l’ancienne partie française, il n’a pas pris non plus la route de Saint-Yague, en y laissant le général Clervaux sans instruction précise.