Page:Ardouin - Étude sur l’histoire d’Haïti, tome 5.djvu/400

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l’Ouest étaient trop graves, pour que Rochambeau continuât à séjourner au Cap : il savait d’ailleurs qu’il y laissait en Clauzel, un général capable de faire face aux éventualités de la guerre dans le Nord. Le 17 mars, il quitta cette ville et fut rendu au Port-au-Prince, le 20. Il y arriva avec une nouvelle fureur contre les mulâtres particulièrement. Pétion, campé à l’Arcahaie ; Geffrard et Férou, réunis dans la plaine des Cayes ; Lamarre, maître du Petit-Goave ; Cangé s’acharnant contre Léogane : tous ces mulâtres étaient des monstres dont il fallait purger la colonie par le fer. Quant à Delpech, il lui fit l’honneur de le déporter en France.

Le soir de son arrivée, le Port-au-Prince fut illuminé en signe de réjouissances. Se livrant à toutes les débauches imaginables avec ses nombreuses maîtresses, il donna aussitôt un grand bal au palais du gouvernement, pour leur donner un spectacle d’un nouveau genre. Les femmes des principales familles de couleur et noires y furent invitées ; elles se seraient gardées de ne pas s’y rendre. Après qu’on eut dansé jusqu’à minuit, Rochambeau invita ces femmes indigènes à passer dans une autre salle : plusieurs étaient resplendissantes de lumière, celle-ci était éclairée par une lampe sépulcrale, et tendue d’une draperie de deuil parsemée de têtes de mort représentée sen toile blanche ; et des cercueils étaient placés aux angles. Des sicaires apostés entonnèrent aussitôt les cantiques sacrés des funérailles.

Qu’on juge de l’effroi des femmes indigènes, à la vue d’un tel spectacle, en entendant de tels chants ! Qu’on juge aussi des ricaneries joyeuses des femmes blanches qui entouraient Rochambeau ! C’étaient la plupart de celles qui avaient applaudi aussi aux excès de Toussaint