Page:Ardouin - Étude sur l’histoire d’Haïti, tome 5.djvu/41

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privilèges !… Que de réflexions durent alors l’assaillir ! Quelles déceptions pour son esprit et son cœur, l’un et l’autre trop longtemps égarés ! Aura-t-il pensé en ce moment au sort fait à Rigaud ?…

Parvenu à D’Héricourt, il reçut le lendemain, 6 février, une lettre du général Rochambeau, qui lui apprenait qu’il s’était emparé du Fort-Liberté, et qu’il en avait fait passer la garnison au fil de l’épée, pour lui avoir fait résistance. Le cruel semblait se vanter de ce fait ! Mais T. Louverture lui répondit en le lui reprochant : « Est-ce là la récompense que le gouvernement français avait promise à ces braves soldats qui ont si bien concouru au bonheur de la colonie et au triomphe de la République ? Je combattrai jusqu’à la mort pour venger ces braves, comme pour défendre ma liberté, et pour rétablir le calme et l’ordre dans la colonie.

C’était effectivement le parti que je venais de prendre, après avoir mûrement réfléchi sur les différens rapports que m’avait faits le général Christophe, sur le danger que je venais de courir, sur la lettre du général Rochambeau, et enfin sur la conduite du commandant de l’escadre[1]. »

Ah ! si T. Louverture n’eût pas pris une fausse route dans l’administration de son pays ; s’il eût su se garder des passions sanguinaires qui le portèrent à assouvir d’injustes vengeances sur les hommes de couleur, sur les noirs ; s’il n’eût pas appesanti son joug de fer sur les uns et les autres, après avoir triomphé de Rigaud ; s’il n’eût pas poussé son despotisme cruel jusqu’au sacrifice de Moïse : comme il aurait été plus admirable, en ce mo-

  1. Mémoire au Premier Consul, remis au général Cafarelli à la fin de septembre 1812.