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ny Leblanc, colonel de la 16e ; Vancol, colonel de la 17e ; Bazile, colonel de la 18e ; et Gilles Bénech, colonel de la 19e[1] ». Guillaume Lafleur fut également nommé colonel du régiment des dragons. D’autres officiers supérieurs furent aussi nommés ou laissés aux soins de Geffrard.

Celui-ci avait alors auprès de lui, le jeune Boisrond Tonnerre qui s’était sauvé des Cayes depuis peu de temps pour joindre les indigènes. Instruit, mais d’un caractère exalté (il y avait de quoi l’être en ce temps-là), ayant vu commettre tant d’atrocités aux Cayes, son langage était énergique, passionné. Geffrard le présenta à Dessalines comme digne de son estime, par son instruction et le patriotisme dont il venait de donner des preuves, en abandonnant les Français. Le général en chef l’en félicita et l’employa à son état-major en qualité de secrétaire. La circonstance où Boisrond Tonnerre fut honoré de la confiance de Dessalines, décida peut-être de la conduite qu’il tint ensuite auprès de ce chef : âgé alors de 27 ans, il se laissa dominer par une funeste ambition qui fit son malheur plus tard.

En partant du camp Gérard pour retourner dans l’Ouest, Dessalines adressa une lettre au curé des Cayes où il faisait connaître ses sentimens. Son nouveau secrétaire, qui l’aura peut-être écrite, nous en fait savoir la subs-

  1. Dans l’organisation de la 19e demi-brigade, Dessalines prouva la droiture de son jugement d’une manière originale. Ce corps était formé des bandes de Gilles Bénech, de Nicolas Régnier et de Goman ; le premier était plus ancien chef de bataillon que les deux autres ; il ne portait point d’épaulettes pendant cette guerre, tandis que Nicolas et Goman en avaient chacun deux, se considérant comme colonels. En nommant Gilles Bénech à ce grade, Dessalines contraignit Nicolas et Goman à lui donner chacun une épaulette, et ils restèrent simples chefs de bataillon ; ce qui fit dire à Goman : « Nègre là, li dimini moe.  » (Ce nègre-là m’a diminué en grade.)

    Il est entendu que Goman tint ce propos après le départ de Dessalines : c’était un Congo.