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de même envers Brunet, sans considérer que son chef voulait surtout protéger les malheureuses familles indigènes de cette ville des Cayes où il était estimé de toutes : la lettre de Dessalines, en réponse à la sienne, indique clairement les termes de celle-ci. C’est donc Gérin, plutôt que Boisrond Tonnerre, qui excitait le général en chef contre Geffrard, contre Férou.

Pour mieux comprendre ses motifs, il faut savoir les faits antérieurs. En 1798, à la mort de Doyon au camp Thomas, près de Pestel, Gérin espérait que Rigaud lui aurait donné le commandement de la 4e demi-brigade du Sud, qui fut déféré à Geffrard : de là une rivalité jalouse de la part de Gérin. Lorsque Geffrard entra dans ce département, Gérin, convaincu par Pétion dans leur rencontre près de Léogane, prêta sans doute un franc concours à son rival ; mais, en recevant de Dessalines le grade de général de brigade, après l’avoir entendu au camp Gérard, ses anciens sentimens se réveillèrent. En outre, Gérin avait des idées presque toujours en opposition à celles des autres ; les plans les plus chimériques germaient incessamment dans son esprit : à l’avenir, on les verra se produire encore mieux. Dans la circonstance dont s’agit, brave comme il était, jusqu’à la témérité, il ne pouvait comprendre les procédés de Geffrard, diminuant autant que possible les maux inévitables de la guerre ; il ne vit pas tout ce qu’il y avait de sage et de généreux dans cette noble figure, dans cet illustre citoyen du Sud, de même qu’il ne comprit pas plus tard la modération de Pétion.

Quant à Boisrond Tonnerre, s’il est vrai qu’il méconnut par la suite ce qu’il devait à Geffrard (ce que nous examinerons ailleurs), du moins il lui rendit assez de justice dans ses Mémoires écrits en 1804, pour que l’on