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prima les factieux, et le concours de Pageot et des troupes venues de Jacmel dans le même mois lui fut de la plus grande utilité[1].

Au Port-au-Prince, la désunion s’était mise entre le général Sarrazin et le commissaire ordonnateur Colbert, d’une part, et le général Lavalette et Panis, de l’autre. Les premiers désapprouvaient hautement le gouvernement de Roehambeau, et opinaient pour l’évacuation de la place ; les deux derniers s’y opposaient en soutenant l’autorité du capitaine-général. La famine se montrait dans toutes ses rigueurs ; tous les comestibles étaient à un prix exorbitant ; il fallait journellement faire des sorties de troupes pour aller à la maraude de quelques vivres et de cannes à sucre dans le voisinage ; il fallait en faire pour rétablir par fois le cours de l’eau qui alimente les fontaines, et que les indigènes détournaient toujours. Dans une telle situation, Sarrazin réussit à extorquer quelque argent des négocians français, et il s’enfuit clandestinement à Saint-Yague de Cuba. Déserter ainsi son poste, c’était une action qui prouvait de sa part un manque d’honneur militaire : un général doit partager le sort de ses soldats, périr ou triompher avec eux [2]. Quant à Colbert, il s’enfuit également, mais c’était pour éviter d’être arrêté par Lavalette et Panis. En partant, il laissa un écrit qui peignait Roehambeau dans tout le hideux de sa figure morale. En ce moment, Roehambeau justifiait ce portrait au Cap, par les plus abominables actions : nous les relaterons bientôt.

  1. Nous avons puisé ces faits dans l’ouvrage de G. Guillermin, sur l’insurrection des habitans de l’Est, qui affranchit cette partie d’Haïti du joug des Français en 1809.
  2. En France, sous la Restauration, Sarrazin manqua aussi à l’honneur civil,