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pour bien faire les choses ; vous emploierez à planter des vivres en grande quantité toutes les femmes cultivatrices.

Tâchez, autant qu’il sera en votre pouvoir, de m’instruire de votre position. Je compte entièrement sur vous, et vous laisse absolument le maître de tout faire pour nous soustraire au joug le plus affreux.

Bonne santé je vous souhaite. Salut et amitié.

Toussaint Louverture.

Une phrase de la lettre à Dessalines semble donner créance aux assertions des traditions populaires qui prétendent, qu’avant l’arrivée de l’expédition française, T. Louverture avait donné l’ordre secret de lui résister et d’incendier les villes de la colonie. Mais alors, pourquoi a-t-il dit au Premier Consul, dans son mémoire : « Je rencontrai le général Christophe et lui demandai qui avait ordonné qu’on mît le feu à la ville ? Il me répondit que c’était lui. Je le blâmai très-vigoureusement d’avoir employé ce moyen de rigueur. Pourquoi, lui dis-je, n’avez-vous pas plutôt fait des dispositions militaires pour défendre la ville jusqu’à mon arrivée ?… »

Vainement dira-t-on que c’est sa position de prisonnier qui le porta à parler ainsi : il était sincère dans cette déclaration ; car plus loin il avoue sans hésitation l’ordre donné à Maurepas, d’imiter l’exemple tracé par Christophe. Plus loin encore, il dit : « Gonaïves n’étant pas défensive, j’ordonnai de la brûler, en cas qu’on fut forcé à la retraite… J’ordonnai de brûler la ville des Gonaïves… » S’il a eu le courage de faire ces aveux, il aurait eu celui de faire tous autres sur la question qui nous occupe ; car alors il n’eût pas été plus coupable.

L’a-t-il été, pour avoir prescrit à ses généraux les terribles mesures de destruction indiquées dans les deux lettres qu’on vient de lire ? Non, dirons-nous ; car le but de