Page:Ardouin - Étude sur l’histoire d’Haïti, tome 5.djvu/479

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

nier[1]. Kerverseau le lui céda, non sans quelque résistance, et dans l’ignorance où il était que le capitaine-général Rochambeau lui avait déféré ce commandement[2]. Il partit pour la France, laissant à Ferrand le soin de conserver cette partie à la métropole.

Les habitans du département de Cibao, soit qu’ils redoutassent une entreprise de la part du terrible Dessalines, soit qu’ils fussent dirigés par l’aversion contre le régime français, qu’ils avaient déjà manifestée, ou qu’enfin ils fussent influencés par cette rivalité jalouse qui a toujours existé entre les villes de Saint-Yague et de Santo-Domingo ; ces habitans envoyèrent alors, en décembre, une députation de trois membres pour offrir leur soumission à Dessalines : c’étaient l’abbé Jean Richardo, et les capitaines Domingo Perez Guerra et José Compas Tabarrès. Dessalines les accueillit, leur promit de les protéger ; mais, peu politique, il leur déclara qu’il lui fallait une contribution immédiate de cent mille piastres, qui fut payée, bien qu’aucune troupe n’y fût envoyée.

Cette exigence injuste, vexatoire, refroidit le zèle des habitans du Cibao, depuis le premier Dom jusqu’au dernier hattier : elle favorisa la domination française que le général Ferrand y étendit peu après.

  1. Depuis que J.-P. Boyer avait échappé à la mort sur le Duguay-Trouin, il était resté au Cap. Au mois de novembre, il partit avec un Français sur un caboteur que ce dernier affréta, disant qu’ils allaient à Cuba, tandis que leur intention était de se rendre au Port-de-Paix ; mais, capturés par les Anglais, ils furent envoyés à Monte-Christ, dans une embarcation, en parlementaire. Là, Boyer courut quelques dangers auprès du général Ferrand, qui le fit arrêter : heureusement que ce général partit aussitôt pour Santo-Domingo, en apprenant l’évacuation du Cap. Délivré par l’éloignement de Ferrand, Boyer se rendit au Cap, où il se présenta à Dessalines qui l’accueillit et lui permit d’aller auprès de Pétion, au Port-au-Prince.
  2. Compte-rendu par Kerverseau, cité dans l’ouvrage de M. Lepelletier de Saint-Rémy, tome 1er, p. 319.