Page:Ardouin - Étude sur l’histoire d’Haïti, tome 5.djvu/486

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venté pour assouvir ses fureurs : visant à une célébrité sanguinaire, il en inventa d’autres en redoublant la férocité de ses exécutions à mort. Son avènement au pouvoir fît pressentir aux Français eux-mêmes que Saint-Domingue était désormais perdu pour la France ; car, s’il y eut de grands coupables parmi eux, la justice veut que l’on proclame hautement que parmi eux se trouvèrent aussi des âmes humaines, des cœurs généreux, qui honorèrent leur pays.

Quoique doué de toutes les qualités du militaire, sous le rapport de la guerre, le nouveau capitaine-général raidit en vain contre l’ardeur du général en chef des indigènes, guidant ses frères dans la conquête de l’Indépendance de la colonie, devenue une nécessité conservatrice de leur liberté et de leur vie.

Bientôt survint un de ces événemens heureux que la Providence envoie aux peuples dans l’enfantement de leur liberté. La paix avec la Grande-Bretagne, qui avait facilité l’expédition contre Saint-Domingue, étant rompue entre elle et la France, celle-ci ne pouvant plus alimenter son armée par l’envoi de nouvelles troupes, cette colonie devait enfin lui échapper.

Comme une nouvelle faveur du ciel, c’est au moment même de la rupture de la paix, que les sages mesures politiques prises par Pétion, assuraient définitivement la suprématie du pouvoir dans les mains de Dessalines. Tous les chefs de l’armée indigène, tous ceux qui dirigeaient des bandes isolées, formèrent autour de lui le faisceau guerrier qui allait bientôt constituer une Nationalité libre, indépendante et souveraine. Aussi, toutes les villes occupées par les Français tombèrent-elles successivement en sa possession.