Page:Ardouin - Étude sur l’histoire d’Haïti, tome 5.djvu/492

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envoyant, porteur de sa lettre, un autre homme de couleur nommé Laporterie, ancien officier sous Rigaud. En apparence, c’était pour lui demander la cause de sa non apparition à Tiburon, lui proposer à son tour de marcher de nouveau contre ce bourg, afin de s’y joindre ; sa lettre se terminait ainsi : « Je ne vous en dis pas davantage, le porteur de la lettre s’entretiendra avec vous. » Laporterie, en effet, était chargé de lui dire les vrais motifs de la marche que Borgella provoquait.

Mais Férou ne savait pas lire. On lui avait imposé un secrétaire blanc, comme à presque tous les autres officiers indigènes. En lisant cette lettre de Borgella, ce secrétaire, nommé Saradas, remarqua la phrase finale et ne quitta plus un seul instant son commandant ; de sorte que Laporterie ne put rien dire à celui-ci : il retourna à l’Anse-d’Hainaut, emportant seulement la promesse que faisait Férou de marcher contre Tiburon.

Saradas ne s’en tint pas à la surveillance qu’il avait exercée ; il s’empressa d’adresser une lettre au général Laplume (ou plutôt aux colons qui le faisaient mouvoir comme une vraie machine), dans laquelle il dénonçait Borgella, Férou et Laporterie, comme tramant un projet d’insurrection. À son tour, Laplume signala Borgella à Darbois. La conduite qu’il avait tenue envers lui sous Toussaint Louverture, en le protégeant, est un indice que cette dénonciation n’était que l’œuvre de ces mêmes colons qui avaient voulu alors perdre Borgella.

Lorsque Férou avait le premier provoqué la marche de son collègue sur Tiburon, il s’était mis en marche lui-même ; mais il fut arrêté par les indigènes qui étaient venus occuper le Port-à-Piment. Après la mission de Laporterie, il s’y préparait de nouveau, quand il reçut