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l’empereur. Tant est funeste le mauvais exemple donné par un prédécesseur !…[1] »

Toussaint Louverture, comme Dessalines, était un vrai dictateur, non pas dans le sens que l’entendaient les Romains, — pour dominer tous les pouvoirs de l’Etat dans une grande crise politique et sauver la chose publique ; — mais pour gouverner le pays selon leur volonté unique : de là l’idée que l’un et l’autre pouvaient avoir sur la libre disposition des deniers publics. Nous devons faire observer cependant, que l’administration du premier était plus régulière que celle de son lieutenant, que personnellement il ne disposait point de ces deniers à son profit ou à celui de ses favoris ; et cela résultait de ce qu’il avait plus de lumières que son successeur, qu’il n’avait pas des passions désordonnées comme lui[2].

À l’égard des mesures coercitives prises contre les cultivateurs des campagnes, il était impossible que Dessalines ne continuât pas le même système, que lui surtout mettait à exécution sous son prédécesseur. Il n’était pas assez éclairé pour comprendre qu’on devait en finir avec le système colonial, renoncer au travail forcé auquel étaient assujétis ces malheureux. Ce pouvoir militaire, qui sauve un pays dans certaines circonstances où la guerre exige une autorité presque toujours arbitraire, a cela de fâcheux qu’il habitue à la violence, même dans un état de paix ou de tranquillité relative. L’obéissance passive prescrite aux inférieurs dans l’armée, fait naturellement penser qu’on doit l’exiger aussi du citoyen qui

  1. Hist. d’Haïti, t. 3, p. 183.
  2. Pamphile de Lacroix a accusé T. Louverture d’être même parcimonieux, en fait de deniers publics ; et au château de Jous, il a lui-même déclaré qu’il n’avait jamais touché ses appointemens, qu’il ne disposait point des fonds du trésor public pour donner à ses proches.