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jouissait alors, — d’être habillée régulièrement et de recevoir une ration suffisante et une solde[1]. Elle était casernée comme à cette époque, soumise à un service actif pour la construction des fortifications dans les montagnes et la garde des villes ; et un code pénal militaire vint ajouter, par son extrême sévérité, aux rigueurs de sa position !

On a vu également que les cultivateurs des campagnes, ces vrais producteurs dans un pays tout agricole, étaient rentrés sous le joug détestable du régime de 1801, exploitant la terre pour les chefs, en butte aux brutalités des inspecteurs de culture qui les contraignaient au travail par le bâton et les verges, sans être jamais certains, à la fin d’une récolte, de jouir de la portion de denrées qui leur était adjugée, chassés enfin des villes lorsqu’ils essayaient d’y trouver un refuge contre le despotisme qui les tourmentait.

Les habitans des villes étaient-ils à l’abri de ce despotisme ? Un fait qui a rapport au refuge des cultivateurs dont il vient d’être parlé, suffira, peut-être, pour prouver le contraire.

En vertu de l’article 4 de l’ordonnance du 25 octobre 1804 sur le recensement des villes et bourgs, un habitant de ces lieux ne pouvait garder à son service que le nombre de domestiques nécessaire à ses besoins ; et d’après celle du 7 décembre sur les cartes de sûreté, l’habitant

  1. Dans un voyage de Dessalines au Port-au-Prince, il passa au Mirebalais où il vit la 10e demi-brigade dans un tel état de nudité, qu’en arrivant au Portau-Prince, il dit avec gaîté : « Je viens du Mirebalais : la 10e parie avec les « bouteilles. » Dites en créole, ces paroles ont une expression plus énergique : cela signifiait que les soldats de ce corps n’avaient pas plus de vêtemens qu’une bouteille. Cette plaisanterie n’était pas digne du chef de l’Etat ; elle prouvait son insensibilité pour les militaires qui avaient droit cependant à toute sa sollicitude.