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danseur infatigable et passionné, s’était conduit sans aucune gravité, en faisant des gambades qui excitèrent un rire général parmi les assistans ; et Christophe qui en affectait beaucoup, qui en avait réellement, avait osé manifester son dégoût pour un tel sauteur, en disant même qu’il était honteux d’obéir à un chef semblable[1]. Nous avons déjà dit qu’au siège de Jacmel, en 1800, Toussaint Louverture avait dû intervenir entre le colonel Christophe et le général Dessalines, à cause de l’arrogance du premier envers son supérieur.

Christophe avait trop le sentiment de la dignité dans le commandement, et de l’orgueil qu’il fait naître dans un caractère comme le sien, pour ne pas être impatient du joug de l’obéissance envers l’homme qu’il estimait au-dessous de lui, parce qu’il se croyait plus d’aptitude au gouvernement, et qu’en effet il avait plus de capacité que lui. Quoique élevé an rang supérieur de général en chef de l’armée, et en quelque sorte désigné pour être le successeur de l’empereur, il n’oubliait pas la déclaration faite par ce dernier relativement au choix qu’il ferait de celui qui devrait gouverner le pays après lui. Les dispositions de la constitution à ce sujet avaient confirmé ce qu’il y avait d’imprudent dans cette déclaration, et celles concernant le droit de révocation pour l’empereur, de toutes les fonctions civiles et militaires, avaient encore ajouté de l’insécurité pour la haute position de Christophe. Tout tendait donc à lui inspirer le désir de voir arriver la fin prochaine de Dessalines : c’était à travailler à cette œuvre qu’il devait méditer, et pour cela, il lui fallait le concours des généraux les plus influens.

Parmi ceux du Nord, Romain était celui qui marquait

  1. Hist. d’Haïti, t. 3, p. 234.