Page:Ardouin - Étude sur l’histoire d’Haïti, tome 6.djvu/241

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voué à l’empereur et capable de l’en détourner au besoin, par ses conseils. Dès qu’un secret de cette nature est dévoilé, il suit le cours de l’indiscrétion. Charlotin, aussi alarmé que son intime ami Pierre Toussaint, étant également très-lié avec Daumec, commissaire impérial à Saint-Marc, ne put lui cacher ce qu’il savait par la confiance de Pierre Toussaint. Et Daumec, nous l’avons dit, avait été associé de Geffrard à Jérémie avant d’être appelé à sa charge à Saint-Marc ; une étroite amitié entre eux en était résultée. Geffrard apprit de lui ce qu’il importait qu’il sût ainsi que Pétion ; il en avisa ce dernier ; car ce n’était plus une chose douteuse, venant de deux des membres du conseil secret.

Dès que Christophe se fût assuré qu’ils étaient informés du projet d’assassinat contre eux, il les aborda comme à son ordinaire, comme il l’avait déjà fait à leur arrivée à Marchand. Il leur dit que leur sort, à tous trois, dépendait du plus léger caprice de Dessalines, en ne leur laissant point ignorer le danger qu’il avait déjà couru, et que leur intérêt mutuel était de se défaire de l’empereur. Celui-ci, en voyant Geffrard, en apprenant par lui la révolte de Germain Picot, avait annoncé en présence de tous les généraux, qu’il ne tarderait pas à se rendre dans le Sud pour y mettre ordre parmi les cultivateurs. Il fut donc résolu entre Christophe, Pétion et Geffrard, que ce serait l’occasion la plus favorable pour frapper Dessalines, à cause de la haine sourde qui existait à son égard dans tous les cœurs et qui le rendrait impuissant à résister. Geffrard se chargea de l’exécution de cette périlleuse, mais indispensable mission, pour leur salut[1].

  1. Le despotisme du dernier tyran, ses actions de plus en plus barbares,