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Cayes, si d’ailleurs l’intention de Dessalines de la pousser à un mouvement insurrectionnel ne perçait pas dans ses procédés et ses paroles.

Il passa au Petit-Goave où le colonel Lamarre alla lui présenter ses hommages. « Lamarre, mon fils, lui dit-il, tiens prête la 24e demi-brigade ; car avant longtemps j’aurai besoin de toi et de ce corps pour descendre dans le Sud. Après ce que je viens d’y faire, si les citoyens ne se soulèvent pas contre moi, cest qu’ils ne sont pas hommes. »

Ces paroles n’étaient pas seulement imprudentes ; elles prouvaient la perversité des sentimens, les vues sanguinaires de Dessalines : il se complaisait dans l’attente d’un événement qui lui eût permis de punir le Sud, de l’opposition qu’il y avait trouvée à ses ordres par rapport au bois de campêche et aux guildives, des regrets que les citoyens de ce département avaient manifestés à la mort de Geffrard. Mais il méconnaissait l’influence qu’exercent sur le cœur et l’esprit des hommes, une tombe qui a reçu les restes d’un chef vénéré, et leurs intérêts légitimes froissés et violés.

À son arrivée au Port-au-Prince, il récompensa Germain Frère de toutes ses délations, de tout le despotisme qu’il mettait dans l’exercice de son autorité, en l’élevant au grade de général de brigade. Il lui ordonna de placer dans la 12e demi-brigade, son ancien corps, la plupart des jeunes gens de cette ville, sans doute en prévision de la campagne méditée contre le Sud. Malgré les précédentes vérifications des titres de propriété, par Inginac surtout, il en ordonna une nouvelle qui fut faite par lui-même[1].

  1. Lettre de G. Roux à Inginac, du 26 septembre, citée dans l’Hist. d’Haïti, t. 3, p. 290.