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nut effectivement des titres irréguliers, en contravention à l’arrêté du 7 février 1804 ; mais toujours est-il que les injustices commises portèrent les esprits à l’exaspération. « Beaucoup de campagnards propriétaires avaient été dépossédés ; ceux qui ne l’étaient pas s’attendaient à l’être. Il y avait d’une part désespoir, et de l’autre inquiétude[1]. »

Il n’en fallait pas davantage pour décider la population à une prise d’armes, lorsque tant d’autres causes y concouraient.

Nous ne suivrons pas toutes les assertions que nous trouvons dans l’Histoire d’Haïti, relatives à ce fait et qui nous paraissent provenir des notes d’Inginac ; telle par exemple, que la démarche du colonel Bourdet, à la tête de 50 officiers de la 13e demi-brigade, faite auprès de lui pour l’exhorter à prendre l’autorité supérieure, conseil que lui aurait donné déjà Euphémie Daguilh, maîtresse de l’empereur, et qu’il n’accueillit pas. Cette femme avait bien pu croire qu’Inginac était capable de remplir un tel rôle ; mais ce n’est pas dans un moment où il fallait

    la tyrannie de Dessalines ; mais seulement, qu’il agit d’une manière irréfléchie comme fonctionnaire public, d’après son caractère absolu, même quand il faisait bien son devoir, avec les meilleures intentions. Voici ce qu’il a dit lui-même de sa conduite à cette époque, dans sa lettre du 15 mars 1843 :

    « Lorsque le gouvernement de l’empereur Dessalines dominait le pays, et après que j’avais été fortement et souvent rudoyé par ce chef animé d’un patriotisme exalté ; que je parvins à obtenir sa confiance, je n’agissais que par dévouement à la patrie, et non dans l’idée de servir le chef qui se trouvait à la tête des affaires ; et ainsi, l’énergie que j’ai pu avoir déployée dans mes actes d’alors ne fut que dans l’idée d’obtenir des résultats favorables à un peuple qui venait de s’émanciper, et qu’il me paraissait indispensable de rappeler à des principes de bonne foi… Je ne pense pas qu’aucun acte d’égoïsme ou d’intérêt personnel peut, avec justice, m’être reproché… »

    Cela est vrai, il faut le dire à son honneur.

  1. Hist. d’Haïti, t. 3 p. 295. Il le fallait bien, puisque Inginac ne respecta point les décisions rendues par l’empereur.