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timens en déclarant solennellement que depuis longtemps ils admiraient ses vertus, etc.[1] »

Apprécier ainsi ce fait historique, c’est, ce nous semble, s’exposer à faire imputer à ces révolutionnaires de 1808 un caractère de perfidie qu’ils n’avaient pas, des intentions déloyales dont ils n’étaient pas animés : autant vaudrait-il dire, que chaque fois qu’un peuple se donne un chef, il se prépare à l’abattre. Quel est le chef qui puisse ignorer qu’il est dans les attributions souveraines du peuple de le déposer, lorsqu’il méconnaît lui-même ses devoirs envers la société ? C’est la condition nécessaire de son élévation au rang suprême, à cette position où il est placé pour faire preuve de vertus sur lesquelles on compte. En parlant de celles de Christophe, on lui disait en d’autres termes : « Montrez-en à vos concitoyens, vos égaux en droits, et ils poseront sur votre tête la couronne civique, — celle qui fait jouir de l’amour du peuple, de la vraie gloire et de la célébrité, sinon de l’immortalité. »

D’ailleurs, par quel motif les signataires de la Résistance à l’Oppression auraient-ils eu l’arrière-pensée d’abattre Christophe ? S’ils avaient eu confiance en Dessalines pour se placer sous ses ordres, après tous les crimes qu’il avait commis dans la guerre civile du Sud, pourquoi n’en auraient ils pas eu en Christophe qui en commit moins que lui ? Depuis la lutte commune contre les Français, tout le passé avait été oublié de part et d’autre dans l’intérêt général[2]. Pendant le règne de Dessalines, Christophe ne s’entourait que des hommes éclairés ; son langage était conforme à sa conduite ; il avait

  1. Hist. d’Haïti, t. 3, p. 317.
  2. Pétion l’avait prouvé à Christophe, en l’entraînant contre les Français, en le défendant contre Sans-Souci et les Congos du Nord.