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rester ou non, jusqu’à l’achèvement de la constitution qui organiserait le gouvernement ; — qu’ensuite, il n’y avait pas lieu d’aller imposer la révolution à des populations qui y étaient préparées plus ou moins, puisqu’elles avaient souffert du régime impérial comme celles du Sud et de l’Ouest ; — qu’une telle démonstration, enfin, dans la ville où siégeait le chef provisoire, même sur Marchand, lui paraîtrait menaçante pour son autorité, ferait supposer des intentions qu’on n’avait pas, et aliénerait tous les cœurs qu’il fallait au contraire réunir dans un commun accord[1].

Le conseil approuva le raisonnement de Pétion, basé sur la sagesse. On décida alors que ces généraux adresseraient aussitôt à Christophe, des lettres pour lui notifier sa nomination, en lui envoyant copie des actes rendus et publiés, et en l’informant de tout ce qui avait été fait jusqu’alors.

« Mais, dit M. Madiou à cette occasion, Pêtion, froid, adroit, qui déjà songeait à se saisir du pouvoir, fut y d’un avis contraire (à la proposition de Gérin), et son opinion prévalut. C’était le plus sûr moyen d’éteindre l’influence de Gérin, qui ne pouvait briller que par des entreprises audacieuses[2]. »

Comme nous serons nous-même souvent d’un avis contraire à celui de M. Madiou, en jugeant les actes et la conduite de Pétion, à partir de la mort de Dessalines, nous

  1. À une époque postérieure, on vit ce que produisit de fâcheux sur l’esprit des populations, une promenade révolutionnaire qui, partant du Sud, parcourut tout le pays.
  2. Hist. d’Haïti, t. 3, p. 332. Si Gérin ne pouvait briller que par l’audace, ce n’est pas faire un grand éloge de lui. Un chef révolutionnaire doit avoir d’autres qualités, pour rester influent sur le nouvel ordre de choses qu’il veut établir.