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Indépendamment des antécédens militaires et politiques de ces deux citoyens, voilà la cause de l’influence qu’exerça Pétion dans la révolution de 1806, dont il devint l’âme comme il en avait été l’un des promoteurs secrets ; car ce mouvement des populations du Sud n’était qu’une suite des préparatifs faits par Geffrard. Christophe dut comprendre alors, que si Pétion s’était concerté avec lui et ce brave défunt, pour sauver leurs jours menacés, du moins en parvenant au but qu’ils s’étaient proposé d’atteindre, Pétion n’entendait pas faire, comme lui, de cet attentat inévitable, un objet d’ambition égoïste ; qu’il voulait surtout, que le peuple entier en profitât pour asseoir ses libertés sur des bases durables. Voilà quelle fut l’ambition de Pétion.

Après avoir rempli envers Christophe ce devoir militaire et politique, Pétion reconnut qu’il avait un devoir de convenance à remplir aussi envers la Veuve de Dessalines, dont il admirait les vertus privées ; il lui adressa la lettre suivante :

Au quartier-général du Port-au-Prince, le 19 octobre 1806.

Le général de division Pétion,

À Madame Dessalines.
Madame,

Toutes les lois de la nature les plus sacrées, violées par celui qui porta le nom de votre époux ; la destruction générale des véritables défenseurs de l’État, dont l’arrêt était sorti de sa bouche coupable ; l’excès du crime, enfin, a fait courir aux armes tous les citoyens opprimés, pour se délivrer de la tyrannie la plus insupportable. Le sacrifice est consommé, et la mémorable journée du 17 avait été fixée par la Providence pour le moment de la vengeance. Voilà, Madame, le tableau raccourci des derniers événemens, et la fin de celui qui profana le titre qui l’unissait à vous.