Page:Ardouin - Étude sur l’histoire d’Haïti, tome 6.djvu/423

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Christophe, à la révolution opérée au Port-au-Prince, leur permettait de manifester les sentimens qui les animaient. Au fond de leurs cœurs, les citoyens éclairés du Nord, comme ceux de l’Artibonite, étaient satisfaits de la fin du régime tyrannique de Dessalines, tout en concevant la crainte qu’il ne fût pire sous le gouvernement de Christophe. De son côté, Bonnet racontait à tous, avec enthousiasme, les circonstances des événemens survenus dans le Sud et l’Ouest, et disais franchement quelles étaient les espérances des populations de ces localités dans la nouvelle constitution, pour organiser assez justement le pouvoir du chef de l’État, afin de ne plus être exposé aux mêmes excès qu’avait offerts celui de Dessalines, et quelle était la volonté des chefs révolutionnaires de parvenir à ce résultat. Il disait la vérité ; car on n’avait pas renversé Dessalines uniquement pour abattre un homme, mais bien pour détruire les vicieuses institutions qui avaient organisé une dictature épouvantable. Mais, dit l’Histoire d’Haïti, « des espions de Christophe recueillaient toutes ses paroles et se hâtaient de les rapporter à l’autorité[1]. » Christophe, il faut l’avouer, montrait ainsi beaucoup de sincérité dans ses rapports avec ceux qui venaient de le proclamer chef du gouvernement.

Il se trouvait en ce moment à la citadelle Henry[2], où Bonnet dut se porter pour lui annoncer l’objet de sa mission. Si cette mission avait pour but de rendre à son autorité un hommage plus éclatant que celui renfermé dans les lettres de Gérin et de Pétion, et de pressentir ses dispositions intimes, Bonnet dut être éclairé à ce dernier égard ; car, lui ayant dit dans quel but il venait auprès

  1. Tome 3, p 356.
  2. Celle forteresse était déjà désignée sous ce nom.