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l’eût exécuté avec un de ses pistolets avant qu’on s’en fût aperçu. Il n’est pas vrai non plus que Méroné les lui ait enlevés de ses fontes : il n’aurait pas pu le faire pendant qu’ils étaient tous au galop sur la route ; il n’aurait pas voulu désarmer son oncle dans un moment semblable ; et il faut d’ailleurs n’avoir aucune idée du caractère de Pétion pour admettre cette tradition, et croire que Méroné eût osé tenter une telle chose.

Le fait vrai, est que Méroné et Antoine Pierroux, neveux de Pétion, étaient auprès de lui jusqu’au passage de la Grande-Rivière. Arrivés là, Antoine continua à courir sur la route et parvint en ville ; et Méroné pénétra dans une pièce de cannes sur le bord de la route, lorsque la confusion fut trop grande parmi les fuyards. Un cultivateur, qu’il découvrit sur cette habitation, le conduisit en ville par des chemins détournés[1].

Ce qui a donné lieu à dire que Pétion voulait se donner la mort, c’est qu’en pénétrant dans le bois, en marchant pour aller à l’embarcadère, tenant ses pistolets dans ses mains et son sabre au côté, il fit quelques réflexions amères sur l’ambition insatiable de Christophe, qui jetait le pays dans une guerre civile dont on ne pouvait prévoir la fin. À ces paroles, David-Troy, alarmé, et croyant que Pétion eût voulu mettre un terme à ses jours, lui dit : « Général, laissez-moi porter vos pistolets. » Pétion, le comprenant, lui répondit : « Vous me croyez donc disposé à me tuer ? Rassurez-vous. Devons-nous abandonner la République ? Si nous ne trouvons pas un canot à l’embarcadère, je vous conduirai au Port-au-Prince par le rivage ; car je connais

  1. Relation d’après des renseignemens fournis par Antoine Pierroux.