Page:Ardouin - Étude sur l’histoire d’Haïti, tome 6.djvu/519

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pour s’opposer à l’entrée de Goman et de son bataillon, on mena une pièce de campagne là où ils devaient arriver. Lorsqu’ils parurent, ils furent étonnés et mécontens de cette, attitude ; et se voyant refuser l’entrée de la ville, Goman se mit en fureur et tenta d’y pénétrer de vive force. Il fut mitraillé avec sa troupe, chargé par la garde nationale à cheval, repoussé à coups de fusil, non sans avoir riposté.

Battu, il se jeta dans les mornes environnans avec son bataillon, drapeau déployé, en appelant les cultivateurs aux armes. Parmi eux, il s’en trouvait beaucoup qui étaient déjà mécontens du meurtre de Bazile et des autres victimes qui périrent avec lui, et d’anciens instrumens des colons dans la Grande-Anse, des hommes énergiques, tels que Jason Domingon, César Novelet, Saint-Louis Boteaux, Say Désormeaux, J.-B. Lagarde, etc. Tous saisirent cette occasion de se rebeller, et reconnurent Goman pour le chef de l’insurrection, avec l’espoir d’aller piller Jérémie et les bourgs de la côte[1].

Voilà la vraie cause de cette insurrection, qui devint formidable, parce qu’une foule de circonstances concoururent à son extension, à sa durée : elles seront successivement mentionnées. Christophe lui donna bientôt une organisation et une direction selon ses vues et ses senti-

  1. M. Madiou prétend que « Goman fit de vains efforts pour entraîner son « bataillon dans la révolte : » c’est une erreur. Pendant la campagne de 1819 qui y mit fin, on surprit Goman dans une de ses retraites ; en se sauvant, il laissa tous ses effets et ses papiers ; le drapeau du 2e bataillon de la 19e était parmi ses effets. Je l’ai vu ; je faisais cette campagne en qualité de secrétaire du général Borgella. Je fus chargé d’examiner ses papiers, où se trouvaient toute sa correspondance avec Christophe et son journal de campagne depuis janvier 1807 ; les causes de sa révolte n’y étaient pas mentionnées. J’en parle d’après des notes biographiques que Bruno Piedeper m’a fournies sur Goman. Tous ces papiers que j’ai lus furent envoyés au président Boyer.