Page:Ardouin - Étude sur l’histoire d’Haïti, tome 6.djvu/521

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à les mûrir, à les combiner avec la situation des choses, pour pouvoir produire un heureux résultat. Entre l’œuvre de la force, et celle de l’intelligence, laquelle est la plus difficile ?

Ce n’est pas tout que de se faire historien d’une époque, que de relater des faits ; il faut aussi se reporter, par la pensée, à cette époque même, pour apprécier la cause de ces faits, et juger la conduite des acteurs, surtout lorsqu’on est réduit à se guider sur des traditions orales plus ou moins exactes.

Quelle était la situation, au lendemain de la retraite de Christophe ?

Une constitution avait été proclamée pour tout le pays ; en vertu de cet acte et des événemens précédens, le chef du gouvernement avait été nommé, et la représentation nationale installée. Mais ce chef venait d’agir à force ouverte contre l’acte qui l’appelait au pouvoir ; peu avait fallu qu’il ne l’anéantît, qu’il n’étouffât la République à sa naissance. Il disposait donc de grandes forces ; il avait donc sous ses ordres des populations et une armée obéissantes, et d’autant plus à ménager, qu’elles étaient mues par des idées et des principes contraires à l’ordre de choses établi par la constitution.[1] La représentation nationale existait, intacte ; elle pouvait fonctionner ; mais le gouvernement était suspendu par la guerre. Devait-elle, à son tour, employer la force pour imposer la constitution à cette armée et à ces populations d’un esprit hostile aux

  1. M. Madiou a reconnu cet état de choses à la page 386 de son 3e volume ; il a admis l’hostilité des principes régnant dans le Nord et i’Artibonite, contre ceux établis par la constitution de 1806. Christophe n’était pas le seul qui pensait ainsi : au contraire, il s’était identifié avec l’esprit de ors localités et t’était tout naturel.