Page:Ardouin - Étude sur l’histoire d’Haïti, tome 6.djvu/562

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sition est de reprocher sans cesse, de tout imputer à fautes sinon à crimes. Gérin avait déjà prétendu qu’il eût été facile d’abattre Christophe d’un seul coup ; le succès inespéré qu’on avait obtenu contre Dessalines l’avait enivré, il se persuadait cela : naturellement, suivant son opinion, tout le mal que ferait Christophe devait être imputé à Pétion qui, selon lui, s’obstinait à le laisser faire, et ses partisans partageaient ses idées. Quand à Pétion, toute son inhabileté consistait, en ce moment, à voir organiser définitivement le gouvernement, car il était temps d’en finir avec ce provisoire.

Revenons à leur commun ennemi.

Christophe aussi reconnaissait l’extrême nécessité de l’organisation politique et administrative du territoire soumis à sa domination absolue. En se retirant au Cap, c’est qu’il pensait qu’il fallait faire trêve à la guerre, pour fixer les attributions de son pouvoir.[1] Il composa, dans ces vues, un conseil d’État où figurèrent les généraux Romain, Vernet, Toussaint Brave, Martial Besse, Daut, Raphaël et Magny, et les citoyens Fleury et Jean Baptiste, afin de publier une constitution : elle était toute faite. C’était celle qui fut rédigée par Rouanez jeune et confiée aux députés du Nord à l’assemblée constituante, pour être votée par leur majorité. Le conseil d’État n’avait donc qu’à remplir la besogne de ces derniers. Voici un extrait de cet acte.

« Les mandataires soussignés, chargés des pouvoirs du peuple d’Haïti, légalement convoqués par son Excel-

  1. Si le despote qui pouvait tout, qui avait marché, le premier, avec des troupes centre le Port-au-Prince, reconnut la nécessité de suspendre la guerre pour organiser son gouvernement, comment peut-on blâmer Pétion de l’avoir suspendue aussi dans le même but ?