Page:Ardouin - Étude sur l’histoire d’Haïti, tome 6.djvu/75

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l’Amérique, à la Jamaïque, aux îles danoises et espagnoles, que des individus qui réclament d’un gouvernement, qui en obtiennent des lettres de naturalisation, ne sont, pour la plupart, que des intrigans français ou des renégats indignes de l’attention des puissances qui les adoptent, et qu’ils déshonorent.

En vain alléguera-t-on que cette pièce est revêtue des signatures de plusieurs hommes de couleur ; que prouvera-t-on ? Sinon que ces hommes, comprimés par la terreur et l’injustice, ont dû nécessairement, à la faveur d’un teint plus clair, se donner pour blancs et signer, comme tels, une pièce qui n’a servi qu’à les plonger dans l’abîme de maux qu’ils ont creusé de leurs propres mains.

J’avais été prévenu, à Jérémie, que cette pièce existait dans les minutes du notaire Cyr-Prévost, au Port-au-Prince, et, en arrivant dans cette ville, elle me fut remise.

Je n’ai pas cru devoir livrer à l’impression une page de signatures, par ménagement pour certains étrangers dont j’appréhenderais de troubler la tranquillité et de réveiller les remords.

C’est à vous, citoyens généraux, à surveiller scrupuleusement les étrangers brouillons qui seraient assez imprudens pour s’immiscer dans les opérations du gouvernement ; respectez-les, tant qu’ils ne s’occuperont qu’à porter l’abondance dans notre pays ; mais qu’ils en soient à jamais exclus ceux qui ne respecteront pas nos lois. Souvenez-vous qu’aucune nation n’a le droit de nous en donner, et que nous avons acquis le droit de nous gouverner de la manière qu’il nous convient.

Quant aux Français, croirez-vous encore que l’esprit de despotisme ne dirigeait que les grands colons, quand vous voyez les Français de la dernière classe, l’artisan qui, à peine a franchi les bornes de l’indigence, souscrire l’acte qui demande l’avilissement et l’esclavage des hommes qui les nourrissent ?

Fortifiez-vous, citoyens généraux, dans la haine que vous avez jurée à cette nation féroce. Puisse le tigre altéré de sang, que les colons ont appelé comme leur sauveur et le restaurateur de leurs droits, revenir nous combattre ! Sa présence rallumera l’incendie dans nos cœurs, et chacun de nos guerriers sentira tripler son audace ; et si l’Italie fut le patrimoine des satellites d’un Corse, Haïti doit être leur tombeau.

Officiers généraux, en lisant cette pièce, criez : aux armes ! et