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au peuple et à l’armée, c’était pire qu’une inconvenance. Et à quelle influence devait-on donc le maintien des soldats dans leur fidélité au gouvernement républicain, sinon à celle du président ? Le chef qui possédait leur confiance, qui consolida la liberté et le bonheur du peuple, n’était-il pas son premier représentant ? [1]

Ensuite, on voit que le sénat crut devoir suppléer au silence que Pétion avait gardé, à l’occasion de la conspiration des deux généraux ; et en quels termes parla-t-il de ces hommes, que Chervain et Borno Déléard, surtout, avaient égarés et perdus par leur ambition ? Yayou et Magloire Ambroise s’étaient rendus coupables, il est vrai ; mais leurs anciens services rendus au pays, et la situation des choses mieux comprise par le sénat, eussent dû lui dicter un langage moins flétrissant à leur égard. Pourquoi ne parla-t-il pas de l’assassinat des 17 citoyens au Cabaret-Carde ?…

Après la publication de cet acte, qui paraît n’avoir pas obtenu son approbation, peut-être à cause des quelques éloges donnés à Pétion, le général Gérin vint se poser en quelque sorte entre lui et le sénat. Étant à son camp du Boucassin, il adressa à ce corps la lettre suivante :


Camp du Boucassin, le 11 janvier 1808.

Etienne Elie Gérin, général de division, commandant le département du Sud,

Au Sénat de la République d’Haïti.

Citoyens sénateurs,

Ayant senti mon peu de vocation pour le genre de déclamation

  1. On raconte que cette adresse ayant été commentée par quelques personnes, en présence de Pétion et dans le sens de nos observations, loin de prendre de l’humeur, il leur dit : « Reposez-vous sur nos sages sénateurs ; ils feront le bonheur du peuple. » Ensuite, il fredonna ces mots d’une chanson que les royalistes avaient faite sur les membres d’une assemblée française : — Voilà les législateurs que nous a promis l’oracle, etc. Cette plaisanterie