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pour protester contre ces intrigues qui n’eussent été que ridicules, si, en présence de la guerre civile et de toutes les difficultés qu’elle faisait naître, elles n’étaient pas contraires au salut public et factieuses au suprême degré. La séance devint alors si orageuse, qu’elle fut levée.

Il est facile de concevoir que la séance du sénat ayant été publique, Pétion ne fut pas le dernier à savoir les particularités qui y avaient eu lieu. Il était trop attaché à son pays, au bonheur de ses concitoyens ; il avait trop de fermeté et de résolution dans le caractère, pour souffrir plus longtemps ces scènes démagogiques qui se passaient au sénat. Il avait déjà montré assez de patience et de modération envers ce corps, pour être autorisé à prendre une mesure vigoureuse, d’après la légende qu’il avait adoptée : Le salut du peuple est la loi suprême. Des sénateurs persistant à compromettre ce salut de tous, il eut eu le courage civique d’interdire toute réunion du corps législatif, si le sénat lui-même n’avait jugé qu’il devait abdiquer toute mission en cette circonstance, ainsi qu’il l’avait prévu, déclaré et écrit dans ses Remontrances du 28 juillet. Ce fut le sénat, ou plutôt ses membres non-réunis en leur palais qui reconnurent, qu’ayant commis la faute de rappeler Gérin parmi eux, ils ne pouvaient plus continuer de siéger.

Ce que fit Pétion suffisait pour les y porter. Aussitôt qu’il eut été informé de la scène du 17, il donna l’ordre à Caneaux, directeur de l’arsenal et commandant de la place, de préparer des pièces de campagne avec tout leur attirail de guerre ;[1] et il manda au palais de la pré-

  1. Caneaux, qui avait été appelé à la barre du sénat un mois auparavant, se fît un matin plaisir d’annoncer à tous ceux qu’il rencontra, l’ordre qu’il venait de recevoir. Ami dévoué de Pétion en tout temps, il avait aussi pour Lys, son chef immédiat, un sincère attachement : sa gaieté railleuse eut beau jeu en cette circonstance.