Page:Ardouin - Étude sur l’histoire d’Haïti, tome 7.djvu/297

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de leurs vœux constans ; que la conséquence d’un tel état de choses était désormais le morcellement des habitations, leur distribution aux individus.

Nous voilà arrivé au premier acte de cette grande mesure politique, dictée par la justice, qui est l’unique cachet de la vraie politique. Ce fut pour Pétion, le premier pas fait dans cette voie de bienfaisance qu’il parcourut si glorieusement.

Et à qui revenait mieux cette initiative dans les récompenses nationales, qu’aux militaires retirés du service, par leur âge ou leurs infirmités, qu’aux invalides par blessures reçues sur le champ de bataille, en servant leur pays et la cause de la liberté ? Officiers ou soldats, ces citoyens avaient combattu depuis nombre d’années dans toutes nos guerres ; ils étaient pauvres, et l’État ne pouvait les salarier, les pensionner sur leurs vieux jours : n’était-il pas de toute équité qu’ils reçussent du gouvernement un coin de cette terre qu’ils avaient arrosée de leur sang, que la plupart d’entre eux avaient aussi arrosée de leur sueur sous l’affreux système colonial ? La République n’est-elle pas le gouvernement pour tous, si ce n’est par tous ? Peut-elle comporter des privilèges en faveur d’un petit nombre, jouissant de tous les avantages de la société ?

Pétion honora donc son pays et sa race tout entière en comprenant ces grandes vérités, en les pratiquant au profit de ses compagnons d’armes les plus nécessiteux. Par son arrêté du 30 décembre, il leur accorda, au nom de la nation, des terrains en quantité suffisante, selon leur position sociale, afin de les exploiter à leur avantage et à celui de leurs familles. Désormais, chaque soldat, chaque officier était assuré que, devenant infirme ou in-