Page:Ardouin - Étude sur l’histoire d’Haïti, tome 7.djvu/313

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marche dans la voie des aspirations populaires, son influence devient irrésistible, tout lui réussit. Mais vient-il à les méconnaître ensuite, à substituer ses vues personnelles à celles de ses concitoyens, cette influence tombe, elle s’anéantit sous la pression des idées et des sentimens qu’il ne partage plus. Ainsi il en arriva du général qui avait pris dans le Sud, la direction de l’insurrection légitime qui aboutit à la révolution de 1806. On n’a qu’à se rappeler tout ce qui a été dit de Gérin depuis la mort de Dessalines, pour se convaincre de cette vérité qui se reproduit à la suite de toutes les révolutions politiques.

Malheureusement pour lui et pour son pays, qui doit regretter sa triste fin, comme celle de Yayou et de Magloire Ambroise, Gérin avait un caractère obstiné, incapable de céder à l’évidence des choses. Naturellement despote, il ne sut pas comprendre ce qu’exigeait le régime républicain sous lequel il vivait : de là toute son opposition à Pétion. Elle emprunta encore une vivacité née de l’espoir, de la prétention qu’il avait eue d’être le chef de l’État, parce qu’il avait été le premier à régulariser l’insurrection de 1806, et qu’alors il était ministre de la guerre et de la marine. Une telle prétention n’était pas fondée, en présence de l’ancienneté des grades militaires de Pétion et de ses qualités pour gouverner la République. Sa jalousie déplorable l’aveugla sur l’influence qu’il croyait exercer, et il en périt victime. Fut-il plus satisfait des autres membres du sénat, qui ne partageaient pas ses idées politiques et ses vues administratives ? Il prouva le contraire par sa démission donnée le 9 mars 1807 et renouvelée le 11 janvier 1808. S’il consentit à rentrer dans ce corps le 17 décembre suivant, ce ne fut que dans un but factieux, dans l’espoir de saisir