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ble ; les fermiers devaient pour toute l’année 1806. « Le Président d’Haïti est requis de donner les ordres les plus stricts pour les y contraindre, les déposséder en cas de retard au 30 juin suivant, et les poursuivre rigoureusement néanmoins, quels qu’ils soient, pour ce payement. » C’était prescrire d’excellentes mesures dans la loi ; mais pour les exécuter contre des généraux, des colonels, c’était autre chose. La République avait besoin d’eux, était-il sage de les mécontenter ?[1]

Diverses considérations politiques venaient à l’appui de la proposition de Pétion.

La guerre exigeait des officiers de tous grades un service actif et pénible, le sacrifice de leur sang, de leur vie pour la patrie. Ceux qui étaient fermiers de biens domaniaux, quel que fût le soin qu’ils auraient mis dans leur gestion, étaient sûrs que ces biens passeraient en d’autres mains s’ils venaient à périr dans les combats ; et alors, leurs familles se trouveraient dénuées de ressources en les perdant eux-mêmes. Une telle pensée, malgré le dévouement le plus sincère, était propre à laisser des regrets dans l’accomplissement du devoir. En devenant propriétaires par acquisition, ces officiers, au contraire, devaient le remplir avec plus de zèle, sachant qu’après leur mort, leurs femmes, leurs enfans auraient un asile et des ressources pour subvenir à leurs besoins.

Du reste, quels rapports, quels liens existaient entre les fermiers et les cultivateurs qui exploitaient la terre ? L’intérêt bien entendu de l’agriculture n’indiquait-il pas

  1. Quand nous arriverons à l’administration du général Bonnet, secrétaire d’État, nous parlerons de la lutte qu’il eut à soutenir contre ces braves. Cette loi du 13 avril fut en grande partie son œuvre, comme toutes autres concernant les finances ; président du comité du sénat, il avait, sans contredit, plus de capacité en cette matière comme en bien d’autres, qu’aucun de ses collègues.