Page:Ardouin - Étude sur l’histoire d’Haïti, tome 7.djvu/33

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cette susbtitution de la propriété au fermage, afin d’établir des relations plus intimes entre ces deux classes de personnes ? Etait-il juste de continuer à considérer les cultivateurs comme des machines à récolter les denrées ? L’impôt territorial, qui venait de remplacer le quart de subvention, le droit à l’exportation des produits, n’assureraient-ils pas au fisc un revenu plus certain que le fermage qui n’était pas exactement payé ? Si le propriétaire est naturellement plus intéressé à produire que le fermier, il était encore à présumer que le fisc allait gagner dans ce changement.

De plus, à raison même de la guerre civile, n’était-il pas convenable d’offrir à l’armée de Christophe, la perspective de plus de jouissances réelles sous les lois de la République ? C’est ce qui pouvait résulter de la vente des biens du domaine aux officiers de tous grades.

Ces biens avaient appartenu aux colons qui, ainsi que le gouvernement français, conservaient toujours l’espoir d’y être réintégrés. Dans le temps où la France possédait effectivement les deux tiers du territoire d’Haïti, où la paix survenant en Europe, pouvait lui donner la facilité d’y envoyer des troupes, aliéner ces biens, les vendre aux chefs de l’armée haïtienne, c’eût été aussi une belle page à ajouter à l’acte d’indépendance d’Haïti, pour faire comprendre à la France que son ancienne colonie lui avait échappé des mains pour toujours, puisque ce sol aurait passé en celles des défenseurs de la liberté qui l’avaient conquis.

Il y avait encore un autre motif de profonde politique, toute d’avenir, de prévoyance sage dans la proposition de Pétion au sénat. Dans l’ancien régime colonial, les colons blancs possédaient les deux-tiers des propriétés