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sibilité d’en renforcer la garnison et d’y envoyer des approvisionnemens. Notre flotte ne pouvait sortir de son mouillage à la Presqu’île.

Convaincu de ces vérités, Lamarre conçut une idée qui donne encore la mesure de son âme valeureuse. Il invita Panayoty à réunir chez lui tous les capitaines de la flotte ; et là, il leur communiqua son audacieuse idée : « Je vais m’embarquer, leur dit-il, avec deux compagnies de grenadiers, sur celui de vos bâtimens qui vous paraïtra le plus propre à remplir mon but. Je ne demande qu’une chose à son brave capitaine : c’est d’aborder la frégate ennemie ! Moi et mes grenadiers, nous vous répondons de la capturer. »

À ces paroles, animées par l’air guerrier du héros, Jean Gaspard, capitaine du brig le Flambeau, le plus beau navire de la flotte où montait Panayoty, accepta avec ardeur cette proposition qui plaisait à son intrépidité. Aug. Gaspard, son aîné, capitaine du brig le Conquérant, promit de seconder son frère : à l’envi, chacun des capitaines répondit comme les deux Gaspard, et s’offrit d’aborder un des navires de la flotte ennemie. Ce fut un moment d’enthousiasme électrique que communiqua la bouillante valeur de Lamarre.

Mais Panayoty, calme et réfléchi, repoussa la proposition en faisant prévoir la possibilité d’un insuccès qui exposerait la flotte aux gros calibres de la frégate. Il dit enfin à Lamarre : « Si vous n’étiez pas le chef nécessaire, indispensable de la garnison du Môle, j’accepterais votre proposition comme mes lieutenans. Étes-vous assuré de ne pas être atteint d’une balle ou d’un boulet, avant d’avoir abordé la frégate ? »

Toutes les règles de la prudence rendaient ces ré-