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guste fut atteint et on lui trancha la tête. Mais, Toussaint réussit encore à fuir et ne tarda pas à rencontrer Pierre Lelong, Jean Gourneau, etc. Tous ensemble prirent la résolution de subir la loi du vainqueur, ayant épuisé leur énergie dans une lutte où ils avaient rempli tous leurs devoirs militaires. Ils se rendirent à Foache, où ils trouvèrent Romain, le généralissime étant retourné à Milot : ils y furent conduits.

En les voyant, en voyant Toussaint Paul surtout qui avait déserté sa cause en 1807, quand il lui avait promis de tout faire pour embaucher les officiers supérieurs de la 9e, Christophe rugit de colère : il l’accabla de paroles outrageantes, l’appela traître, et ordonna qu’on les conduisît tous à la citadelle Henry pour être enfermés dans ses noirs cachots et y périr lentement. Mais Toussaint, reprenant toute son énergie et sa dignité, lui répondit : « Je ne suis point un traître : la cause de la Liberté m’a paru préférable à celle de ton despotisme inhumain, et je l’ai embrassée avec sincérité, je t’ai combattu avec courage. Aujourd’hui encore, j’aime à dire en ta présence : Vive la République ! Vive le Président d’Haïti ! » Il fut traîné à la citadelle avec ses compagnons : ils y périrent tous ![1]

Qui pourrait refuser son estime et son admiration à de tels guerriers ? Qui peut ne pas reconnaître l’influence des idées républicaines sur l’àme de tels hommes ? Comme ils montrèrent tous, ces généreux défenseurs de la liberté,

  1. La biographie de Toussaint Paul, écrite par mon frère C. Ardouin, mais encore inédite, m’a fourni la plupart des faits relatifs à la guerre de la péninsule du Nord et au siège du Môle ; il les avait recueillis par la tradition orale de plusieurs des combattans, notamment Alain, décédé général de brigade, qui avait une excellente mémoire. La correspondance de Lamarre, que j’ai citée souvent, avait été copiée par lui aux archives du gouvernement, de même que celle de Rigaud qu’on va lire bientôt et d’autres encore.