Page:Ardouin - Étude sur l’histoire d’Haïti, tome 7.djvu/379

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En cette circonstance difficile, Borgella se trouva partagé entre la fidélité à l’union du Sud et de l’Ouest, plus encore qu’à Pétion, el le dévouement qu’il portait à Rigaud, dont il avait commandé l’escorte anciennement, ainsi qu’on l’a vu déjà. Son bon sens, son jugement éclairé désapprouvaient la séparation, comme offrant un danger extrême pour la République ; mais les choses étaient si avancées, Rigaud était déjà si compromis dans cette affaire, qu’il ne voyait pour lui d’autre issue, qu’un nouvel exil sur la terre étrangère, ou une fin semblable à celle de Gérin. Cette idée réveilla en son âme, toute la sensibilité qu’y avaient excitée les anciens malheurs de ce chef, et il se décida pour la séparation, par la considération exprimée dans l’acte du 3 novembre, — que le Sud ferait cause commune avec l’Ouest, lorsqu’il s’agirait de repousser les entreprises de Christophe ; considération qui entraîna bien d’autres citoyens aussi[1]

Peut-être qu’à ce moment Borgella se dissimula l’influence qu’exercèrent sur son esprit, et la mort de Lamarre, cet ami, ce camarade d’armes, qui lui avait fait un appel dans sa détresse au Môle, auquel il ne put répondre par la volonté de Pétion, et la désapprobation que lui aussi donnait à la conduite de la guerre civile par le président.

En nous tenant aux seuls motifs qu’il a avoués, nous dirons que le sentiment de son affection pour Rigaud, l’a emporté sur son devoir de militaire et de citoyen.

  1. Sa défection en 1810 peut se comparer a celle de Pétion en 1799, par les heureux résultats que l’une et l’autre produisirent. Dans la guerre civile du Sud, Pétion grandit sous le rapport militaire et politique, et put devenir en 1802 le lien d’union, l’organe de la fusion entre le parti de Rigaud et celui de T. Louverture. Dans la scission de ce département avec l’Ouest, Borgella fut remarque aussi comme homme politique, en devenant la cause première de sa fin ; el en se soumettant à l’autorité de Pétion, il grandit aussitôt comme militaire, au siège du Port-au-Prince.