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rendues ? Il lui reprocha, enfin, une infinité de choses, comme les opposans du temps.

Cette apostrophe inattendue, dans un jour et un lieu aussi solennels, au temps de la scission du Sud, occasionna une grande émotion parmi tous les assistans. Mais le calme qui parut sur la physionomie de Pétion, un léger sourire qu’on découvrit sur ses lèvres, firent comprendre qu’il considérait les paroles du citoyen Saget, d’ailleurs homme de bien, comme une aberration de son esprit exalté dans le moment. Les aides de camp du président, Sabourin et Cerisier, maîtres de cérémonies, invitèrent les corps administratif, judiciaire, etc, formant le cortège, à reprendre la marche pour sortir de l’église et retourner au palais du sénat. Durant ce temps, Saget continuait toujours à pérorer ; enfin, les deux présidens et les sénateurs se levèrent aussi et prirent leur rang dans le cortège, qui sortit entièrement de l’église : force fut à l’orateur de cesser son véhément discours[1].

Les sénateurs et tout le cortège accompagnèrent ensuite le Président d’Haïti à son palais, où il les retint pour participer à un grand banquet préparé par ses ordres. Le soir, une illumination vraiment spontanée témoigna de la joie générale des citoyens du Port-au-Prince.

Il y eut un homme qui crut alors pouvoir spéculer sur l’imprudence de Saget. Le lendemain matin, il se rendit auprès du président et lui demanda la faveur d’occuper l’emploi de percepteur du timbre que Saget exerçait : « Mais, répondit Pétion, M. Saget n’a pas été déplacé. — Je le croyais, président, à cause des injures qu’il vous a faites hier à l’église. — Il ne m’a fait aucune injure ;

  1. Le combat finit faute de combattans.