Page:Ardouin - Étude sur l’histoire d’Haïti, tome 7.djvu/423

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

tonné au Fond-Bleu, dans la Grande-Anse, marchait contre la ville des Cayes, dégarnie de sa garnison habituelle qui était tout entière employée à combattre les insurgés. Ce bataillon s’était révolté contre son chef Momus, et l’avait tué, parce qu’il voulait s’opposer à ce que son corps quittât le cantonnement qui lui avait été assigné.

Cette troupe arriva le 28 juin, par une marche rapide, aux Quatre-Chemins des Cayes, où elle s’arrêta pour rallier ses traînards. Le général Borgella était alors en cette ville ; il avait reçu l’ordre de Rigaud d’aller à Aquin, pour en revenir avec un bataillon de la 15e et pareraux éventualités ; mais, en apprenant que celui de la 17e était aux Quatre-Chemins, il s’y porta afin de savoir le motif pour lequel il avait tué son chef et marché sur les Cayes.[1]

Arrivé devant les rangs de cette troupe révoltée, il lui posa ces questions. Un nommé Atis lui répondit qu’ils étaient dans la misère, dépourvus de tout, et qu’ils venaient réclamer leurs droits. « Votre cause peut être bonne, répliqua Borgella ; mais votre démarche est mauvaise ; elle est celle de soldats indisciplinés. » Un lieutenant nommé Papillon lui fit voir sa chemise en lambeaux, en lui disant : « Quant à vous, vous avez de l’argent à volonté. — Oui, j’en ai, dit Borgella, et je sais aussi soulager l’infortune de mes camarades d’armes. » Alors beaucoup de ces soldats dirent que c’était vrai, qu’ils avaient reçu eux-mêmes des bienfaits de lui, comme d’autres de divers corps. Ces aveux lui donnèrent

  1. Fremont était aux Cayes ; il se joignit à Borgella. Peu après cette affaire, il s’enfuit du Sud et vint au Port-au-Prince, où il fut fait commissaire des guerres. Rigaud l’avait révoqué de la charge d’administrateur des financés, et nommé Ch. Daguilh à sa place.