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Malgré tous ces fâcheux résultats, les services antérieurs d’André Rigaud et son influence sur les succès de l’égalité civile et politique obtenus par la classe à laquelle il appartenait, sur ceux de la liberté naturelle et politique de la classe plus nombreuse d’où sortait l’autre, ont été trop grands, trop réels, pour qu’on oublie ou qu’on dédaigne sa mémoire.

Nous aimons surtout en Rigaud, cette justice qu’il montra en faveur des Noirs-Suisses, dans l’Ouest ; cette audacieuse initiative que son cœur lui inspira, pour rendre à la liberté les 700 noirs qu’il émancipa dans la plaine des Cayes, en justifiant ainsi leur révolte contre les colons ; cet esprit d’organisation militaire dont il fit preuve au début de la révolution pour en assurer le succès et maintenir néanmoins l’organisation du travail ; ce courage qui l’animait aux combats ; cette fierté républicaine, tous ces nobles sentimens qui le portèrent à repousser avec indignation les offres corruptrices des Anglais, pour rester fidèle, moins à la France qu’à la cause de la liberté générale de la race africaine.

Lorsqu’un chef a su agir ainsi, remplir son devoir envers ses frères et l’humanité en général, sa mémoire a droit au respect de la postérité ; elle peut, elle doit être indulgente pour ce qui tient aux faiblesses de l’homme. Telle est notre conclusion sur la vie politique d’André Rigaud.

Né en 1761, décédé en 1811, il a parcouru une carrière de 50 ans[1]. Ses funérailles ont eu lieu avec pompes ; son corps a été enterré sur la place d’armes des

  1. André Rigaud naquit aux Cayes le 17 janvier 1761. Son père était un Provençal et sa mère, Rose Bossy, une Africaine. En 1777, il entra dans les chasseurs volontaires qui furent envoyés ensuite à Savanah, aux États-Unis.