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remment pour y attirer les forces républicaines et faciliter la prise du Port-au-Prince, selon le plan de l’invasion.

Ce plan résultait des rapports de Bosquette. Il avait fait savoir que la Croix-des-Bouquets et Sibert étaient fortifiés ; que probablement les troupes du Port-au-Prince se partageraient pour défendre ces deux points, et qu’entre eux, il y avait une grande distance qui n’était pas gardée. Alors, Christophe fit passer le gros de son armée par le Mirebalais, 14,000 hommes environ, avec ordre au lieutenant-général Magny, duc de Plaisance, de descendre au Cul-de-Sac, d’éviter la Croix-des-Bouquets en débouchant par la Savanne-Blond, près de Santo : ce qui le mènerait sur la grande route de la plaine au Port-au-Prince, où il entrerait l’arme au bras, en laissant les troupes républicaines à Sibert et à la Croix-des-Bouquets. Toutefois, il avait prévu que, contre son attente, Magny pouvait avoir à combattre ; et que, s’il était vainqueur, il devrait se borner à aller s’établir à Drouillard, à une lieue du Port-au-Prince ; et là, il attendrait le Roi[1].

Ces instructions formelles sauvèrent la ville, comme on va le voir, et prouvent que Christophe n’avait pas le génie de la guerre, ou tout au moins l’intelligence de cet art ; car il est des cas où il faut laisser une certaine latitude à ses généraux.

À peu près à 1 heure de l’après-midi du 24 mars, une vedette des chasseurs à cheval, placée au pont de l’habi-

  1. Après le siège de 1812, j’ai entendu le général Magny raconter ces choses à mon père. Il ajouta : « Je savais bien, par les prisonniers que nous avions faits, que le président était dans le Sud, et qu’il n’y avait point de troupes ici (au Port-au-Prince). Mais les instructions du Roi étaient formelles ; en prenant la ville, ma tête fût tombée. Il disait sans cesse, qu’un officier ne doit jamais s’écarter de ses instructions : je suivis les miennes, et je m’en réjouis aujourd’hui plus que jamais. »

    Honorable parole, bien digne du vertueux Magny !