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Quand, dans les lignes du Port-au-Prince, on vit l’ennemi, jusque là victorieux, repoussé, chassé de ce poste, ce fut un frémissement de joie bien naturelle ; et, en apprenant que ce succès était dû au général Borgella, tous les militaires apprécièrent davantage le dévouement patriotique qu’il montra dans le Sud, en reconnaissant l’autorité du Président d’Haïti : ce fut la cause du respect et de la considération que l’armée de la République lui porta constamment.

Le vaillant général ennemi dont il borna le triomphe, Guerrier, non moins appréciateur d’un mérite qu’il sentait en lui-même, conçut aussi pour Borgella une estime toute particulière. Un jour arriva où il la lui témoigna publiquement, en présence de tous les officiers généraux réunis au Cap, sans se douter alors qu’il adviendrait une époque où, au Port-au-Prince même, son héroïque défenseur serait humilié, considéré comme traître à cette République qu’il aida puissamment à triompher là et au Cap, — tandis que lui, Guerrier, serait honoré comme l’un de ses meilleurs citoyens.[1]

En attendant le temps où ils devaient se réunir dans un commun accord, pour continuer à servir leur patrie, Guerrier reçut la juste récompense due à sa valeur dans cette journée ; il fut promu lieutenant-général et nommé duc de l’Avancé par son roi : titre qui signifiait qu’il occupait le poste avancé dans le siège du Port-au-Prince.

Quant à Borgella, il reçut aussi une récompense flatteuse pour son cœur dévoué à la République. Pétion avait observé ce dernier combat d’un œil attentif ; aussi-

  1. Pendant les erreurs de 1843 ! Guerrier avait droit d’être honoré comme un citoyen dévoué a son pays. Borgella avait également droit d’être respecté, au moins ; car son dévouement à la République ne fut jamais douteux.