Page:Ardouin - Étude sur l’histoire d’Haïti, tome 7.djvu/554

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

partenu à son père, afin de demeurer dans l’Ouest. « Vous serez près de moi, lui dit-il : pourquoi voulez-vous aller dans le Sud ? Vous serez au milieu de gens que vous ne pouvez plus estimer. » Mais Borgella insista, en lui représentant qu’il avait habité le Sud depuis longtemps, et qu’à Custines, s’occupant de ses travaux de culture, il n’aurait d’autre société que celle de ses véritables amis qui viendraient l’y voir. Pétion lui donna cette propriété ; mais, par la suite, il parut croire qu’en refusant toutes ses avances, Borgella conservait un certain mécontentement, et il y eut du refroidissement de sa part : des faits le prouveront.[1]

En même temps, le général Lys lui demandait pour don national, une habitation située aussi dans le Sud où il alla habiter le Petit-Trou dont il avait jadis commandé la place. Le général Francisque était du Sud et y retournait naturellement ; il eut aussi son don national dans la plaine des Cayes. Bruny Leblanc était dans le même cas, et eut le sien près de l’Anse-à-Veau. Pétion ne le rétablit pas dans le commandement de cet arrondissement, qu’il laissa au colonel Tahet[2].

  1. Borgella n’éprouvait aucun mécontentement, et il n’eût pas eu raison d’en avoir à l’égard de Petion, qui avait tout fait pour lui prouver son estime. Mais, résidant dans le Sud depuis 1796, il s’y était créé des habitudes et y avait de vrais amis. Il donna la préférence à l’habitation Custines, parce que cette propriété réunissait une foule d’avantages ; elle avait plus de 2,000 carreaux de terre, susceptibles de recevoir tous les genres de culture ; elle est située sur la rivière de Cavaillon, et ses produits pouvaient être transportés aux Cayes par eau, etc. L’habitation Borgella ne pouvait soutenir une comparaison avec elle. Ne désirant pas un emploi, de commandant d’arrondissement par exemple, Borgella se proposait de jouir paisiblement sur sa propriété, en véritable habitant : ce qu’il obtint durant sept années consécutives. Il est à croire que Pétion avait des vues sur lui, quand il l’engageait à demeurer au Port-au-Prince : le moment viendra où nous dirons ce qui nous porte à penser ainsi.
  2. Il paraît qu’il attribua, ou à la faiblesse, ou à la mauvaise foi de Bruny Leblanc, sa défection en faveur de Rigaud, qui avait compromis les troupes de Delva à Trémé. Ce général ne reprit ce commandement qu’à la mort de Tahet, peu avant celle de Pétion, et sur les instances réitérées du général Boyer.