Page:Ardouin - Étude sur l’histoire d’Haïti, tome 8.djvu/15

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En assassinant hommes, vieillards, femmes et enfans, Henry Christophe cédait à l’instinct carnassier du Tigre qui tue en quelque sorte pour le plaisir de tuer, qui abat ses victimes sans être pressé par la faim. Orgueilleux de sa pourpre royale, ayant marché contre le Port-au-Prince avec une armée nombreuse, à l’aide de laquelle il espérait un triomphe facile par ses premiers succès dans la plaine ; mais honteux de se voir contraint à en lever le siège par la défection de ses troupes, il assouvit sa rage sur des innocens soumis à son autorité, comme une sorte de compensation de toutes les scélératesses qu’il s’était promis de commettre dans l’Ouest et le Sud, si le sort des armes l’avait favorisé. Voilà la seule explication qu’on puisse donner des massacres qu’il dicta dans sa fureur anthropophage.

On a dit, on a cru vainement que ces faits sont la preuve la plus évidente de la guerre de couleur ou de caste entre Christophe et Pétion. D’abord, nous avons démontré à quelle cause il faut attribuer cette guerre civile, de même que nous l’avons fait relativement à celle qui eut lieu entre Toussaint Louverture et Rigaud. Ensuite, si ceux qui ont avancé cette assertion avaient raison, ils auraient dû prouver aussi que Pétion fit tuer des noirs, par rapport à la couleur noire de Christophe. Et quand ils ont prétendu qu’en assassinant des femmes et des enfans, même des hommes de couleur jaune, tous soumis à son autorité, Christophe fit une guerre de couleur ou de caste par rapport à son ennemi, ils n’ont fait que déraisonner étrangement : la guerre a lieu entre des combattans, et non pas quand des assassins immolent des personnes inoffensives. N’eût-il pas conservé même un seul membre de cette classe, ce