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pour l’enterrement de la victime, lequel se fît dans la journée du 25 décembre ; les amis du général Delva et de nombreux citoyens y assistèrent.

Mais le président ne pouvait se dispenser de rechercher la cause de cet assassinat dans un lieu de détention légal, placé sous la surveillance de l’autorité. À cet effet, il interrogea publiquement le geôlier de la prison et l’officier de garde, au milieu de fonctionnaires et de citoyens accourus au palais. Le geôlier exhiba l’ordre que lui avait remis le chasseur à cheval, en ajoutant qu’il ne connaissait pas cet individu ni ceux qui étaient venus avec lui, et qu’après la mort du général Delva, il avait cru devoir faire porter son corps au cimetière ; l’officier de garde fit les mêmes déclarations.

Pétion parut profondément affligé de cet horrible assassinat dont il ne pouvait découvrir le véritable auteur, puisque celui-ci avait contrefait sa signature pour y parvenir ; car il sentait, malgré cette particularité, qu’il en serait responsable aux yeux de tous ceux qui jugent de tels événemens par les apparences, et les apparences, il faut le dire, étaient assez graves pour qu’on lui imputât ce crime[1]. Cependant, depuis la condamnation de Delva, il avait adouci sa détention autant que le permettait la sécurité publique : le prisonnier avait sa famille avec lui et recevait ses amis toute la journée ; il entretenait dans la prison une vache laitière pour son usage. En agissant ainsi envers cet ancien compagnon d’armes, était-ce donc pour le faire mourir traîtreusement ensuite ? Et doit-on admettre que le président eût saisi le jour et l’heure où il

  1. À partir de ce jour, aucune lettre ni ordre émané du président ne pouvait être expédié de ses bureaux, sans porter le sceau de la République qu’on apposait ordinairement aux actes du gouvernement.