Page:Ardouin - Étude sur l’histoire d’Haïti, tome 8.djvu/191

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taient, dans sa pensée comme dans son cœur, des choses plus dignes du chef de la première Nation sortie de la race noire, et s’émancipant elle-même du joug européen, sans aucune autre assistance que celle de la Providence, sans autres moyens que ceux qu’elle puisa dans son irrésistible énergie.

Pétion prêta encore à Bolivar le concours de son autorité pour faire cesser une division qui s’établit entre lui et le général Bermudès et le commodore Aury qui allaient s’en séparer ; il dicta au général Marion des mesures à cet effet, et Marion remplit ses vues avec intelligence et un véritable dévouement à la cause des indépendans : il les réconcilia. Comme cette querelle entre eux avait eu pour origine, des réparations faites par Aury à l’un des navires de son escadre, et d’autres avances qu’il fit, le président ordonna de lui compter 2,000 piastres du trésor pour l’en indemniser[1].

Enfin, Bolivar reçut du général Marion, en tout, 4,000 fusils, 15,000 livres de poudre, autant de plomb, des pierres à fusil, une presse à imprimer et des provisions pour les hommes formant son expédition. Le président lui permit même d’y comprendre des Haïtiens qui voulurent y concourir[2]. On ne pouvait pas faire davantage pour la faciliter et donner au Libérateur une occasion de rétablir son autorité dans sa patrie, afin d’en assurer l’indépendance politique. Le 10 avril, il partit du port

  1. On verra que dans une autre circonstance, Aury se ressouvint de la générosité de Pétion. Ce marin français avait été contre-maître à Toulon.
  2. Borgella avait accueilli Bolivar et ses principaux officiers à Custines, sa propriété, où il vivait comme un Cincinnatus ; il y logea plusieurs familles et d’autres dans sa maison, aux Cayes. En lui témoignant l’estime que lui inspiraient son caractère, ses services et sa réputation militaire, Bolivar lui proposa d’aller l’aider a conquérir la Côte-Ferme sur les Espagnols. Mais Borgella lui répondit : « Mon pays pourra avoir besoin de mes services : je ne puis accepter vos offres. »