Page:Ardouin - Étude sur l’histoire d’Haïti, tome 8.djvu/20

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barbare résolution de faire immoler la classe des mulâtres, pensa sans doute que Ladouceur était trop détesté au Mirebalais pour pouvoir exécuter complètement ses ordres, et il y envoya le général Almanjor dans ce but. Celui-ci se défia aussitôt de Ladouceur qu’il remplaçait, et du chef d’escadron Sébastien qui l’avait toujours secondé ; il manifesta son dessein de les arrêter et de les envoyer au Roi : ce qui porta ces deux officiers à concevoir le projet de s’évader et de se rendre au Port-au-Prince.

En même temps, et pour bien remplir sa cruelle mission, Almanjor, qui avait fait arrêter et mettre en prison quelques hommes de couleur, tenta de persuader Benjamin Noël de la nécessité des massacres ordonnés par Christophe. Mais ce colonel lui fit observer que toute cette classe était restée constamment fidèle à son autorité ; que dans la 10e, il y avait des officiers qui servaient sous les mêmes drapeaux depuis le temps de Toussaint Louverture, qui venaient encore de se distinguer à la bataille de Santo et au siège du Port-au-Prince, pour le service du Roi ; que la plupart des musiciens de ce corps étaient des mulâtres ; qu’aucun d’eux, enfin, n’avait même essayé de passer à l’ennemi ; qu’en exécutant un ordre aussi rigoureux, surtout sur les femmes et les enfans, cela pouvait occasionner une commotion dans tout l’arrondissement du Mirebalais, qui serait funeste à l’autorité royale. Le bourreau lui répliqua : « Soyez tranquille, colonel, le Roi sait ce qu’il fait, et son ordre est irrévocable. »

Afin de l’exécuter contre les mulâtres de la 10e, Almanjor lui ordonna de réunir ce corps pour une revue qu’il passerait le lendemain. Cependant, se défiant de