Page:Ardouin - Étude sur l’histoire d’Haïti, tome 8.djvu/262

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pas l’espoir d’amener celle-ci à la soumission, par raisonnement, même par sentiment, sinon d’amour, du moins religieux, puisqu’on employa la crosse et la mitre d’un Évêque pour opérer ce qui eût été un miracle en plein XIXe siècle[1].

À leur retour en Europe, les commissaires français firent, sur leur mission, un long rapport au ministre de la marine et des colonies, dont on peut lire la partie la plus substantielle dans l’ouvrage que nous avons déjà cité[2]. Ou y voit qu’ils attribuaient leur insuccès aux intrigues de la Grande-Bretagne et des États-Unis « qui calomniaient la France et la rendaient odieuse à ce peuple ignorant ; qui entretenaient la méfiance de Pétion, en ne cessant de lui répéter que la France n’a d’autre projet que de le remettre sous le joug, lui et les siens, de l’encourager dans la désobéissance, etc. » Et ce rapport disait aussi que c’était par l’intermédiaire de Pétion, que ces deux puissances faisaient donner des secours à Bolivar et aux indépendans des colonies espagnoles, lui déniant ainsi toute initiative dans l’un et l’autre cas[3].

Pétion et le peuple haïtien étaient si ignorans, en effet, qu’ils avaient besoin d’être guidés dans ces circonstances, comme ils l’avaient été en 1802 en prenant les armes contre la France ; car bien des écrivains français.

  1. Il paraît que le gouvernement de la Restauration hésita beaucoup aussi à reconnaître ou concéder l’indépendance d’Haïti, par égard pour l’Espagne dont les colonies étaient en insurrection et qui espérait de les soumettre à son obéissance. Si la Grande-Bretagne garda ce ménagement envers l’Espagne jusqu’en 1823 où elle reconnut leur indépendance, on doit le concevoir encore mieux de la part des Bourbons de France.
  2. M. Lepelletier de Saint-Remy, t. 2, p. 25 à 30.
  3. En cela, ils servirent la politique de Pétion, qui voulait garder l’apparence de la neutralité entre l’Espagne et ses colonies insurgées. À bien considérer les choses, il n’est pas une seule démarche de la Fiance envers Haïti, qui n’ait servi la cause de celle-ci.