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l’art. 112 de la constitution, dont la révision avait fait un acte nouveau disposant pour l’avenir, et ne se rattachant pas aux faits antérieurs. Mais le sénat persista dans sa manière de juger l’élection de Larose, qu’il considérait comme inconstitutionnelle. Quelques jours après, un nouveau message de Pétion entra dans d’autres développemens de son opinion et se termina ainsi :

« En vain, j’ai cherché dans la constitution un article qui vous donne le droit de refuser un sénateur élu par la chambre des communes, d’après les formes prescrites. Je ne pense pas que l’art. 113, qui vous charge du dépôt de cet acte sacré, établisse ce droit, parce que la charge de dépositaire ne confère pas le droit de refuser l’exécution de ce qui est fait d’accord avec les principes établis par l’acte déposé[1]. Ainsi donc, pour ne pas être en opposition avec la chambre des communes et avec moi-même, et bien persuadé que d’après les explications que je vous soumets, vous vous rendrez à l’évidence, je ne cesserai pas de considérer le citoyen Larose comme sénateur de la République, ayant été bien légalement nommé à cette charge. »

Force fut au sénat « de se rendre à l’évidence, » et le sénateur Larose fut admis à prêter son serment. Mais on voit que ce corps fit le sacrifice de son opinion au maintien de la tranquillité publique.

Ainsi, tandis que la chambre se posait en protectrice devant l’armée, censurait l’administration des finances et

  1. D’après ce raisonnement, il semble que Pétion ne considérait pas le Sénat comme le pouvoir conservateur des institutions établies par la constitution, devant veiller à ce que celle-ci ne fût pas violée dans ses dispositions. Il est vrai, d’une autre part, qu’il soutenait qu’elle n’avait été violée ni par lui, ni par la Chambre, parce que la révision en avait fait un acte disposant pour l’avenir. Ce raisonnement seul pouvait excuser Pétion ; car il ne suffisait pas que les formes eussent été suivies dans l’élection de Larose.