Page:Ardouin - Étude sur l’histoire d’Haïti, tome 8.djvu/30

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En décembre 1808, la Grande-Bretagne interdisait, avec hauteur, toutes relations entre les Haïtiens et ses possessions des Antilles. Mais, en 1809, la fierté républicaine de ses anciennes colonies s’était révoltée contre la presse de leurs matelots ; elles avaient établi peu après un embargo général sur leur commerce : dès lors la Jamaïque surtout souffrit de cet état de choses[1]. Les autorités de cette île se virent donc forcées de se radoucir et de venir solliciter des Haïtiens, les subsistances nécessaires à l’alimentation de sa population : de là la fréquentation des ports de la République et du Royaume d’Haïti par les caboteurs anglo-jamaïcains, et par suite l’arrêté de Pétion, et probablement une autorisation semblable de la part de Christophe. À la fin, les besoins devenant plus pressans chaque jour, ces mêmes autorités firent engager les caboteurs haïtiens à venir eux-mêmes à la Jamaïque avec les provisions de leur pays ; et ce commerce dura ainsi, de notre côté, jusqu’au mois d’août 1814 où Pétion l’interdit, par rapport à la pais européenne. Il présenta ce fait singulier, que les Républicains et les Royalistes d’Haïti se rencontraient en pays neutre, sans se quereller et sans déroger non plus aux lois de police et de sûreté de ce pays ; mais, à raison de l’acte en conseil du 14 décembre 1808, les caboteurs haïtiens empruntaient des pavillons étrangers.

Il faut dire encore, que ce commerce de denrées ali-

  1. On sait que les colons de la Jamaïque nourrissaient leurs esclaves, surtout avec les denrées alimentaires venant des États-Unis, parce qu’ils appropriaient leurs terres a produire celles qu’ils exportaient en Europe. Ils agissaient ainsi par mesure politique également : l’existence des noirs indépendans des montagnes Bleues de cette île, leur lit toujours craindre que la plantation des vivres pourrait exciter leurs esclaves a l’insurrection, parce qu’ils seraient assurés de leur subsistance. Par ce moyen, les colons les tenaient mieux sous le joug, Que d’horreurs dans cet affreux régime colonial !