Page:Ardouin - Étude sur l’histoire d’Haïti, tome 8.djvu/445

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désirs, à leur projet, quand un incident inattendu en donna le signal.

Une querelle survint à Saint-Marc entre le général Jean Claude et le colonel Paulin, commandant la 8e demi-brigade qui y tenait garnison. Peut-être Paulin n’ignorait-il pas l’existence de la conspiration du Nord[1] ; d’un caractère orgueilleux, d’ailleurs courageux, il osa résister à son chef qui le dénonça à Christophe. Celui-ci manda Paulin à Sans-Souci, le vexa par des paroles injurieuses ; et, sur ses réponses pleines de fermeté, il ordonna de le dégrader, de lui arracher ses épaulettes. Mais Paulin fut assez audacieux pour arracher lui-même la croix de Saint-Henry qu’il portait à sa boutonnière et la jeter par terre, en disant au roi : « Cette croix m’a été donnée par vous, mais quant à mes épaulettes, je les ai gagnées et conquises sur le champ de bataille : vous ne pouvez me les arracher ! » À ces mots, à ces gestes que l’exaltation de l’honneur inspirait, Christophe, en fureur, ordonna que Paulin fût décapité ; mais la reine, présente à cette scène, intercéda en sa faveur et obtint qu’il fût seulement envoyé à la citadelle Henry où on le mit aux fers.

La connaissance de ces faits parvint à Saint-Marc et décida du sort de Christophe. Ils portèrent les sous-officiers et les soldats de la 8e à l’exaspération, car ils souffraient plus que leurs officiers ; et, aimant leur colonel, sa courageuse conduite à Sans-Souci les électrisa. À l’insu de leurs chefs, ils se communiquèrent la pensée d’un soulèvement. Un sous-officier de la garnison de la Petite-Rivière vint à Saint-Marc et fut mis dans le secret,

  1. Un petit écrit publié au Port-au-Prince et intitule : Détails sur l’insurrection de Saint-Marc et des Gonaïves, en 1821, le dit formellement.